Il me semble que je l'a connait... || Zafrina

Le vent humide de la forêt heurta mon visage plus violemment tandis que j’accélérais la cadence. Je voulais être le plus tôt possible chez les Cullen, m’assurer rapidement qu’aucun lycan n’était passé par là et retourner au plus vite dans ma chère Amazonie avec mes sœurs. Amazonie plus si sûre, au passage, puisque nous y avions été férocement attaquées par quelques loups gigantesques lors de la dernière nuit de pleine lune. Combien de vampires avaient été victimes de cette même agression ? Combien avait croisé le chemin de ces enfants de la lune ? Je n’avais pas de réponses à ses questions. Les Cullen, si. Peut-être. Seulement voilà, au fur et à mesure que j’avançais, un sentiment inconscient ne m’ayant plus gagné depuis plusieurs années s’empara de moi. La peur.
La petite bourgade grouillait d’odeurs, dont certaines très étranges. J’avais reconnu avec soulagement celle de quelques Cullen, avais cru que ma tâche en deviendrait presque facile. Seulement voilà, peu de temps après, à la limite d’une frontière imposée quelques années auparavant lorsque j’étais revenue ici, une odeur désagréable de chien mouillé avait traversée mes narines, puis une deuxième. Difficile de deviner avec certitude si c’était là une odeur de modificateurs ou de lycans. Au lieu de fuir, je suivis la trace de l’odeur tout en me gardant bien de traverser la frontière, n’ayant pas vraiment envie de me retrouver face à quinze loups géants tous crocs sortis et près à me déchiqueter. Je gardais un mauvais souvenir de ma dernière et récente rencontre avec un loup, à savoir l’épaisse marque de griffure rosie traversant ma joue et mon menton.
Soudain, sans même avoir eu le temps de m’en rendre compte, je me retrouvais à quelques mètres d’un imposant chien, loup (enfin ce que vous voulez) brun roux. Fouillant ma mémoire, je me souvins l’avoir croisé une seule fois, quelques années auparavant, au témoignage devant sauver Renesmée du sort que lui réservaient les Volturi. Une seconde plus tard, à la place du loup, il y avait un homme.

Je tentais de me remémorer les évènements du mieux que je pouvais, car tout s’était déroulé en l’espace de quelques infimes secondes. Un mouvement furtif à l’orée de la forêt, un grognement ténu, une énorme bête se tenant sur ses deux pattes postérieures, tous crocs dehors et muscles impressionnants…Sont autant de souvenirs désagréables que j’aurais voulu oublier, ce qui n’arriverait jamais. Les pauvres tactiques non élaborées pour tenter de nous défendre, et enfin l’instant où le lycan m’avait griffé avec une vélocité insoupçonnée tandis que j’asseyais de protéger Kachiri et Senna…Les images défilèrent devant mes yeux et ce fut comme si j’y étais. Je me rendis compte que j’étais inconsciemment en train de les projeter dans la tête du modificateur depuis le début, et arrêtais là mon récit mental.
Je pouvais à présent presque sentir que ma blessure finissait de cicatriser, et je remarquais que la marque ornant mon visage était plus rosie qu’avant et bien moins profonde.

L’idée que nous n’aurions pas dû venir ne m’avait même pas effleurée. Il faut dire qu’avec les précautions que nous avions prises, les chances qu’un enfant de la lune débarque à Forks à cause de nous étaient très minces, voir inexistantes. Nous avions réussi à tenir jusqu’à quelques secondes avant le lever du soleil, moment auquel nous avions été contraintes de fuir. Un court instant, cela était bien suffisant pour qu’un lycan redevienne humain et ne se souvienne de rien sur sa nuit. Alors, y avait-il vraiment un danger ? Non, sûrement. Les Cullen allaient bien et n’avaient pas reçu de visites indésirables ses dernières nuits. Nous n’avions pas senti de présence derrière nous en courant droit vers les Etats-Unis. Cela dit, il était vrai qu’un signe à Alice aurait suffi. Quoique…

Tu penses peut-être qu’Alice voit tout ce qui existe. Elle se concentre sur certaines choses et perçoit leur avenir, certes, mais cela m’étonnerait beaucoup qu’elle me surveille. Les Volturi sont déjà une charge assez lourde à laquelle il faut prêter attention. Et puis, nous ne sommes pas complètement stupides contrairement à ce que tu insinues, nous n’avons pas fui à la première minute en laissant une trace claire et alléchante ne demandant qu’à être suivie aux lycans. Et si jamais pas il y en avait un agressif qui débarquait à Forks par notre faute, je me ferai un plaisir de me défendre contre toi et d’assumer les conséquences de mes actes.

Je perdais la maîtrise de moi-même, ce qui ne m’arrivait que rarement. Je me ressaisis cependant, consciente qu’il en faudrait peu pour que le modificateur éclate en mille morceaux, laissant la place à un imposant loup. Je ne voyais cependant comment un combat aurait pu être plus rude que celui d’une des nuits précédentes.

Le loup me toisa, ce qui me déplut. J’avais souvent préféré les mots aux gestes, et je ne pus m’empêcher de songer que si ma logique ne le satisfaisait pas, il aurait pu se borner à le proclamer haut et fort. A ce moment, ma mémoire vampirique me rappela un détail loin d’être insignifiant. Ce loup devait être celui qui, il y a déjà quelques temps, s’était imprégné de Renesmée…Avait-il peur pour elle ? L’espace d’un instant, je ressentis de la compassion. Si une menace, même infime, menaçait mes sœurs…comment réagirais-je ? Je connaissais la seule vraie réponse à cette question. Je serai prête à tout, même à débarquer en Amérique pour savoir si le danger était réel. Je l’avais déjà fait.
Seulement, je venais d’apprendre que ce danger-ci n’était qu’une illusion. Face à une bande d’une vingtaine de modificateurs et à une famille vampirique et puissante comme les Cullen, tout lycan agressif ne saurait pas faire grand-chose pour se protéger. Mieux valait pour cette espèce de se faire discrète ou pacifiste à Forks.